S’installer au Nunavik : l’approche du long fleuve tranquille
Nous avons rencontré Miriam Brochu et Reda Hellel à Kangiqsujuaq en 2021. Non seulement ils forment un couple, mais ils sont aussi collègues à l’école Arsaniq. Tous deux ont planté leurs racines dans leur communauté d’accueil il y a maintenant 15 ans. Comment s’est passée leur intégration?
Miriam est une habituée des grands espaces, des régions éloignées. À l’inverse, Reda vient d’Alger où « ça grouille de monde et de bruit, 24 heures sur 24! » Mais c’est l’envie conjointe de découvrir autre chose qui les a amenés au Nunavik.
« Honnêtement, on est venus avec les yeux fermés. Genre, on a choisi par goût de l’aventure, par curiosité… » admet Reda. Le couple s’était initialement fixé l’objectif de rester deux ans. Quinze ans plus tard, qu’est-ce qui les a accrochés?
C’est l’environnement qui nous a fait rester. L’environnement, la gentillesse des gens, l’accueil des gens, le cercle d’amis qu’on s’est créés… Puis on a été chanceux quand on est arrivés. On a eu une belle maison, construite il y a moins d’un an!
« On est arrivés et on a été chanceux. Au niveau de nos conditions de vie et aussi au niveau de l’enseignement », continue Miriam. La directrice d’école avait beaucoup d’ambition pour le couple dès son arrivée – pour l’expérience et la polyvalence de Miriam, mais aussi pour Reda qui n’était pas légalement qualifié. Néanmoins, trouver un emploi et une maison ne garantissait pas l’intégration.
« Tu sais, y’a différentes façons d’arriver dans un endroit. Nous, on avait décidé qu’on ne s’imposerait pas, qu’on regarderait les choses aller avant de commencer à faire des choses. […] On a pris le temps d’observer. On a appris à connaître les gens. Et les relations qu’on a développées, elles sont durables. » – Miriam Brochu, enseignante et directrice adjointe par intérim, école Arsaniq, Kangiqsujuaq.
Même son de cloche pour Reda, qui a fait le saut vers l’enseignement : « Il ne faut pas être rigide. Il faut avoir de la compassion et tenter de comprendre la réalité des gens. Comprendre comment vivent les enfants chez eux ». Mais surtout, « il faut accepter qu’on ne contrôle pas tout ».
On ne peut pas juste se contenter d’enseigner. Notre rôle est beaucoup plus élargi que dans d’autres contextes scolaires. C’est un rôle beaucoup plus intéressant selon moi. On peut aussi devenir quelqu’un qui compte pour nos élèves.
Enfin, difficile de ne pas remarquer que le « temps » est une notion récurrente dans notre conversation. Avoir du temps, prendre le temps… « Au sud, tu cours après du temps imaginaire. Alors qu’ici, ce temps-là, il est disponible », philosophe Miriam.
Le temps de s’ouvrir aux autres, de réfléchir, d’apprécier la beauté des lieux, de créer des contacts, de tisser des relations de confiance avec les élèves. Le temps de faire sa place, comme un long fleuve tranquille.