La formation préparatoire au travail de l’école Nuvviti (Ivujivik)
Faits saillants du programme
En 2017, le ministère de l’Éducation du Québec a certifié le Programme d’apprentissage individualisé (IPL) comme un programme de formation préparatoire au travail (FTP). En 2018, le programme a été renommé Pinasulaurani pigiursatitauniit (exploration professionnelle). Avec l’accréditation ministérielle, les diplômés reçoivent maintenant un document officiel du ministère de l’Éducation du Québec qui atteste leurs qualifications.
Les étudiants du programme acquièrent diverses compétences professionnelles et participent à un projet communautaire. Ils ont l’occasion :
- de se familiariser concrètement avec diverses situations de travail;
- d’acquérir des compétences professionnelles et de la vie courante grâce à une formation pratique;
- de travailler en équipe pour concevoir et mener à bien un projet communautaire;
- d’explorer leurs intérêts et de découvrir leurs forces;
- d’acquérir une expérience précieuse sur le marché du travail; et
- d’obtenir un document officiel du ministère de l’Éducation qui atteste leurs qualifications.
De plus, le programme fait en sorte que les élèves poursuivent leur éducation formelle tout en améliorant leurs capacités de lecture et d’écriture ainsi que leurs compétences en calcul.
Nous avons discuté avec Francis Marchildon-Cropas, enseignant responsable du programme FPT à l’école Nuvviti.
KI : Peux-tu nous parler de tes élèves et de ton environnement de travail?
FMC : J’ai 14 élèves : 12 garçons et 2 filles. Ce sont des adolescents à risques qui ont opté pour un parcours scolaire davantage en lien avec le marché du travail. J’ai donc essayé de créer un milieu de vie plutôt qu’une classe traditionnelle : la moitié de la pièce est occupée par notre serre, il y a aussi un coin ordinateur et un coin salon. Je leur apporte de la nourriture tous les jours : des fruits, des yogourts, des céréales, etc.
KI : Comment se passent l’enseignement et l’apprentissage?
FMC : Nous travaillons sur 5 projets qui permettent d’acquérir des habiletés et des connaissances diverses, ancrées dans des activités telles que la chasse, la pêche, la collecte des déchets en plastique, l’agriculture en serre, le conditionnement physique.
Il ne s’agit donc pas de cours classiques. Tout est prétexte à l’apprentissage. Par exemple, quand on s’occupe d’une serre, de faire pousser des plantes ou des légumes, on touche à la botanique, la chimie, la physique, l’entretien du matériel, etc. On apprend aussi, entre autres, la planification, la résolution de problèmes, le travail en équipe, la responsabilité!
Pendant les activités à l’extérieur, je leur parle beaucoup de l’histoire, de LEUR Histoire, des techniques utilisées aussi bien par les Inuits que par d’autres peuples pour pêcher, chasser, bâtir des abris ou fabriquer des vêtements. Construire un igloo, un kayak ou un traîneau, c’est des maths, de la mécanique, de la précision dans le choix et l’utilisation des matériaux. C’est de la science!
Quand on sort en kayak ou qu’on ramasse le plastique, on discute du lien étroit entre l’homme, la nature et l’animal, on parle des problématiques environnementales, de gestion des déchets, de la faune et de la flore.
Quand on fait du vélo, du basket, du patinage ou n’importe quelle activité sportive, on parle des bienfaits du sport sur le corps et l’esprit, des habitudes alimentaires, de l’impact de la cigarette. On fait aussi de la mécanique puisque c’est nous qui réparons les vélos!
KI : Ce que tu veux leur transmettre va donc bien au-delà de compétences pratiques pour intégrer le marché du travail?
FMC : Oui, je les encourage à dépasser leurs limites, à s’accrocher quand c’est difficile et à être fiers de ce qu’ils réalisent. J’essaie de leur apprendre la patience, le goût de l’effort et la proactivité plutôt que la recherche de la gratification immédiate. Je veux qu’ils croient en eux et en leur potentiel. Alors, comme je le dis souvent, je plante des graines en espérant que de beaux plants vont se développer – demain, l’année prochaine ou même dans 10 ans!
KI : Peux-tu nous donner un exemple?
FMC : Nous faisons la collecte des déchets en plastique dans le village, grâce à des bacs placés à des endroits stratégiques. Ces déchets sont ensuite envoyés dans le sud pour être recyclés. Les élèves sont donc utiles à leur communauté, ils contribuent à améliorer les choses. Grâce à eux, ces déchets ne finiront pas en pleine nature, ils ne pollueront pas et ne représenteront pas un danger pour les animaux. Je félicite souvent mes élèves, j’essaie de leur faire prendre conscience du rôle important qu’ils jouent, de la différence qu’ils font. Je leur dis aussi qu’un jour, l’un d’entre eux créera peut-être un centre de recyclage local au lieu d’envoyer les déchets dans le sud. Ça ferait encore moins de pollution, et ça créerait des emplois.
KI : Merci pour ton témoignage Francis. Nous espérons que tu continueras longtemps à planter des graines!