Entrevue sur les récompenses pour états de service : Carmelle Castonguay
Nous avons rencontré Carmelle Castonguay (CC), conseillère pédagogique auprès du service de l’Éducation des adultes et de la formation professionnelle. Elle travaille à la commission scolaire depuis plus de 30 ans.
PR : À quand remonte ton arrivée à la commission scolaire?
CC : J’ai mis les pieds au Nunavik pour la première fois il y a presque 35 ans, en 1984, en tant que stagiaire en enseignement à Inukjuak. Ensuite, j’ai été enseignante à Salluit de 1984 à 1987. J’ai occupé différents postes de conseillère au secteur régulier et j’ai également été coordonnatrice adjointe des services complémentaires durant une année, en 1990. J’occupe mon poste actuel depuis 2002.
PR : Qu’est-ce qui t’a attiré au Nunavik?
CC : Je viens de l’Abitibi, et j’ai côtoyé des communautés cries et algonquines durant ma jeunesse. Pas forcément de très près, mais suffisamment pour que ma curiosité de l’autre soit éveillée. Quand j’ai fait mes études en éducation, je savais déjà que je voulais travailler en région éloignée auprès de peuples autochtones. Finalement, j’ai choisi le Nunavik. Sur le plan professionnel, quand j’ai commencé à travailler avec la commission scolaire, on n’avait pas autant de ressources qu’aujourd’hui. Il fallait être hyper créatif pour trouver les meilleures approches pédagogiques possible et utiliser au maximum toutes les situations du quotidien pour les transformer en moments d’apprentissage. Cet environnement professionnel offrait vraiment des défis stimulants où les relations humaines étaient au centre de tout.
PR : Et après toutes ces années, qu’est-ce que tu retiens de ton expérience?
CC : D’abord, les élèves que j’ai eu la chance d’avoir, les gens extraordinaires que j’ai rencontrés et les amitiés que j’ai liées. Pour moi, les Inuits sont un peuple rieur, accueillant et chaleureux. On se retrouve et on partage dans le rire et l’humour; il y a une grande force là-dedans. Ensuite, il y a le territoire auquel les Inuits sont si attachés, l’immensité, la beauté à couper le souffle. Ça te remet à ta place comme être humain, c’est une leçon d’humilité et c’est aussi émerveillant. Quand on travaille au nord, il ne faut pas oublier de vivre en dehors de notre classe. Dans tous les villages où j’ai vécu et travaillé, j’ai eu la chance de rencontrer des gens qui m’ont accueillie et inspirée et qui occupent toujours une place importante dans mon cœur. Il y a aussi tous les collègues avec lesquels j’ai partagé des heures de discussion sur les stratégies d’enseignement et les meilleures façons de transmettre les savoirs. C’est grâce à toutes ces personnes que j’ai pu faire ce que j’ai fait et je les en remercie.
PR : Et sur le plan professionnel, qu’est-ce qui fait que ton travail te motive toujours?
CC : C’est le fait de pouvoir participer, créer et contribuer à l’apprentissage des élèves ainsi qu’au plan d’action de la Commission scolaire. Le partage avec les collègues y est aussi pour beaucoup! La rencontre avec les étudiants et les enseignants est quelque chose dont je tire beaucoup d’inspiration. Et j’adore travailler en langue seconde!
PR : Quand tu penses à ta carrière à la commission scolaire, quelles sont les réalisations dont tu tires de la fierté?
CC : Entendre mes élèves parler français! Voir leur vivacité, leur curiosité, leur intelligence et les entendre parler dans une langue qui n’est pas nécessairement toujours valorisée. Je pense que la langue française a ouvert des portes à ceux qui la maîtrisent. Je suis tellement fière de voir les réalisations professionnelles de mes anciens étudiants. Beaucoup d’entre eux occupent des postes importants au sein de leur communauté et exercent un leadership inspirant dans le cadre de leurs fonctions.
PR : Si tu rencontrais Carmelle l’adolescente de 13 ans, quel conseil lui donnerais-tu?
CC : Écoute les conseils qu’on te donne même si tu n’es pas toujours d’accord avec eux. Sois autonome, vis tes rêves et n’oublie pas que l’éducation rend beaucoup de choses possibles. L’éducation ouvre aussi des portes sur le monde. C’est l’une des clés les plus importantes pour réaliser tes rêves.
PR : Est-ce qu’il y a des personnes qui sont des modèles pour toi?
CC : Sur le plan personnel, il y a ma sœur. C’est vraiment quelqu’un qui a toujours été là pour moi, beau temps mauvais temps, avec un amour constant et sans jugement. On est comme une balise et un socle solide l’une pour l’autre. Au niveau professionnel, je crois que ma mère m’a beaucoup inspirée. C’était quelqu’un qui était acharné dans le travail et qui avait une grande ouverture d’esprit. Pour ma mère, la différence avait quelque chose d’attirant, elle accueillait la différence avec beaucoup de bienveillance, chaleureusement. La porte était toujours ouverte chez nous. On hébergeait souvent des amis, des voisins, des gens qui avaient besoin d’un répit ou de soutien dans des moments de transition. Je pense que mon attirance pour les autres peuples, pour la rencontre de l’autre vient d’elle. Et c’est au cœur de toutes mes activités professionnelles. Il y a aussi eu des enseignants qui m’ont inspirée, soit par leur rigueur qui m’a donné le goût de me dépasser ou par leur passion.
PR : Quels sont tes plans pour le futur?
CC : Je veux continuer à chanter, à faire de la musique et de l’artisanat et à voyager pour rencontrer d’autres peuples et d’autres cultures. Pour ma retraite, parce que ça s’en vient, je veux trouver des opportunités d’aide et d’accompagnement auprès de personnes dans le besoin. Ce qui va me manquer le plus quand je prendrai ma retraite, c’est la possibilité de visiter mes amis du Nunavik chez eux. Qui sait, peut-être y retournerai-je?